10/10/2015

Lever de rideau sur Terezin



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            Un soir de 1943, Victor Steiner, le célèbre auteur et metteur en scène de L’Echappée belle, assiste clandestinement à la représentation du Soulier de satin, sans porter son étoile jaune. A la fin de la pièce, une patrouille allemande le repère et le fait prisonnier. Steiner est transféré au camp de Terezin, véritable « camp témoin » du régime nazi, où nombre d’artistes et d’intellectuels juifs sont regroupés. 

            Là-bas, il est accueilli par Waltz, un officier allemand qui a remué ciel et terre pour avoir le célèbre Victor Steiner dans son camp, vouant à celui-ci une véritable admiration sur son travail. Il lui commande alors la rédaction d'une pièce qui sera jouée devant la délégation allemande, le 23 juin prochain. Mais attention, pas n'importe quelle pièce : il faut impérativement qu'elle se passe à l'époque du Roi-Soleil, siècle chéri par Waltz. C'est une véritable gageure pour Steiner qui a plutôt l'habitude de dénoncer la bourgeoisie de son temps dans ses textes. Commence alors une relation ambiguë, faite d’admiration pour Waltz, et de méfiance pour Steiner, qui se voit également attribuer la responsabilité de choisir ses comédiens, leur évitant ainsi de voir leurs noms affichés pour les prochains convois en partance vers l’Est. 

            Ce livre est une vraie pépite. Richement documenté, l’auteur nous fait part de toute l’ambiguïté qui a pu exister à cette période de l’histoire entre l’occupant allemand et les prisonniers, à fortiori des déportés. C’est également un livre bien pensé car on assiste, en filigrane, à un parallèle entre la situation de Victor Steiner et la pièce qu’il écrit, qui pose la question de la capacité de création d’un artiste sous/par la contrainte. L’artiste doit-il être absolument libre pour créer ou, au contraire, la contrainte n’est-elle pas un moteur nécessaire pour l’art ? 

            J’ai aussi été séduite par l’écriture, riche, recherchée, fine. La structure du récit nous aide à nous immerger complètement dans l’histoire. La fin du récit reste ouverte et l’auteur nous offre l’intégralité de la pièce de théâtre de Steiner ainsi qu’une note présentant son travail, ses recherches, comment il a pensé le roman et comment son idée de départ a évolué. Vous l’aurez compris, j’ai dévoré ce livre, je l’ai adoré et je ne saurais que trop le recommander. J’espère seulement ne pas en avoir trop dit ou en avoir dit suffisamment pour piquer votre curiosité. 


Lever de rideau sur Terezin
Christophe Lambert
Bayard
Août 2015
14,90 €

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